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Krapp's Last Tape
Culture

Krapp's Last Tape : Sacré Beckett !

By amjj.goulden amjj.goulden
22/11/2010

Jeudi soir dernier, je suis allée au théâtre. A l’affiche : Michael Gambon interprétant une pièce de Samuel Beckett intitulée Krapp's Last Tape. Un comédien reconnu et un illustre auteur : j'avais presque la certitude de passer une bonne soirée, ce que me confirmaient d'ailleurs des critiques unanimes. Forte de cette convergence d'éléments favorable, j’entrainais toute ma bande de 10 spectateurs avertis dans l’aventure. Je n'avais jamais lu cette pièce, ne l'avais jamais vue, et pourtant je m’en régalais par avance.
 
La soirée avait bien commencée : lors de la réservation, la jeune fille m'a demandé si je voulais des places pour 19h ou 20h. Deux séances dans une même soirée : quel acteur, quelle performance! Naïve que je suis....Le moment tant attendu est enfin arrivé. Le rideau se lève: un bureau, une chaise et un homme. Pas de poubelles cette fois comme dans la précédente pièce de Beckett à laquelle j'avais assisté, Fin de Partie, mais le décor était comme d'habitude très minimaliste…Au moins, notre héros lui était bien là, sur la scène, devant nous. Assis sur la chaise, affalé sur le bureau… immobile. Silence dans la salle. Une minute passe, puis deux, puis trois. Rien. Quatre minutes, cinq, minutes. Toujours rien. J'interrogeais alors mes amis : « Rappelle-moi, il a quel âge notre Michael ? Il respire encore ? ». On a connu en effet quelques précédents tragiques ! Oui, ouf, c’est bon, il est toujours vivant...mais ne bouge pas pour autant.
 
Ah si ! Michael Gambon a bougé ! Un doigt, puis deux, puis la main, puis le bras ! Formidable. Doucement, sa main se porte vers ses cheveux et entreprend un minutieux…. Épouillage ? Oui c'est bien un épouillage. Les poux chassés, notre homme, (tout échevelé…) se lève et se met en orbite autour de son bureau. Son doigt parcourt la frise qui orne les 4 murs de la scène. Du bruit, enfin! Tac, tac, tac, tac, tac, et dans un sens, et puis dans l’autre. Dix minutes se sont écoulées depuis le lever du rideau. L'avantage, me direz-vous, est qu'en tant que petite frenchy, je n'ai éprouvé aucun problème de traduction. En ce sens, la gestuelle est parfaite… car je comprends tout !
 
Ah tiens, le voilà qui s'arrête devant un tiroir. Il l’ouvre, le fouille. Ah non, dommage, ce n’est pas le bon. Il le referme plutôt violemment. Et hop, le voilà reparti dans son manège infernal. Tac, tac, tac, ah, un autre tiroir. Il l’ouvre : quel suspens! Il reprend ses recherches, et – ô bonheur - trouve…une banane ! Il la pèle alors délicatement, en jette la peau par terre négligemment (eh oui, c'est le problème de ne pas avoir de poubelles sur la scène !), puis la mange. Quel acteur!
 
Tout en la savourant, il ouvre un troisième tiroir dans ce bureau définitivement plein de secrets, et découvre une deuxième, qu’il épluche et avale rapidement, après bien sûr quelques mimiques bien senties au sujet de sa banane. Quel jeu d'acteur ! Et toujours pas de poubelle ! Attention Michael, les peaux de banane, ça glisse!
 
Treize minutes depuis le début de la pièce. J’ai même trouvé le temps de faire un bref calcul : 2 séances x 2 bananes x 6 soirs = 24 bananes par semaine. Ce Michael Gambon est sûrement le plus gros consommateur de bananes de Londres, après le zoo bien sûr !
 
A ma montre 15 minutes désormais. Et toujours ces éternelles gesticulation. Au moins, du temps du cinéma muet, une joyeuse musique rythmait la cadence. Mais là, bien sûr pas de joie chez Beckett : le propos est grave, l’artiste aussi !
 
Ah ! Il change de place : il se réfugie dans les coulisses pour chercher…une nouvelle banane ? Heureusement non. Il ramène un magnétophone. Il ouvre à nouveau un tiroir : oh non par pitié, pas encore une ba….Mais non, il ne s’agit que d’une bande ! Enfin, au bout de 20 minutes, le titre de la pièce trouve tout son sens….“Krapps last tape” ( La dernière bande) : tout s'explique !
 
Seizième minute : il branche et installe le tout. Puis il se rassied et nous regarde. Ca y est, il va parler ! Quel recueillement dans la salle pour entendre cette bonne parole. Eh bien non : il appuie sur le bouton et la cassette se remet en marche. Un Michael Gambon retrace ses souvenirs et remonte le fil de sa vie. La voix est claire, agréable, aucun grésillement. Quelle chance!
 
Notre héros, lui, reste planté devant son bureau face à ce passé qu'il semble regretter. Alors que la bande défile, entraînant avec elle ses souvenirs, Krapps se lève, se rassied, se relève, et va se servir un verre en coulisse. Il revient, arrête la bande, attrape un micro, et le branche. Enfin il parle. Une phrase, (presque) en entier. Mais c’en est trop visiblement, alors il s'énerve, jette le micro et repasse la bande. Incompréhension totale. Puis le rideau se baisse.
 
Bilan chiffré de la soirée : cinquante minutes à attendre, non pas Godot, mais la voix de Michael sur scène…..Heureusement nous étions 10, et nous avons donc obtenu des billets pour £25 au lieu de £35. Si nous avions payé plein tarif, nous en aurions eu pour : £35 + £6 (métro)+ £4 (coca et cacahuètes) = £45 / 20 mots = £2,25 le mot. Autant dire qu'avec Michael Gambon, la parole, c'est de l'or !

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